Dans ce billet, nous nous intéresserons à un cas précis de suite récurrentes très représenté dans le programme de maths français, les suites arithmético-géométriques.
On dit qu'une suite réelle $(u_n) $ est récurrente s'il existe une fonction $f:\mathbb R \rightarrow \mathbb R $ tel que pour tout $n\in\mathbb N$, $u_{n+1}=f(u_n) $.
Si $f$ est une fonction affine, c'est-à-dire une fonction du type $f(x)=ax+b $, avec $a$ et $b$ réels, alors on a une suite arithmético-géométrique. Les suites arithmétiques et et les suites géométriques sont des cas particuliers de suites arithmético-géométriques.
Vocabulaire
Suites arithmétiques
Si $f(x)=x+b $, nous avons une suite arithmétique. Autrement dit, une suite artihmétique est une suite telle que pour tout entier naturel $n\in\mathbb N$, $u_{n+1}=u_n+b $
Le réel $b$ est appelé la raison de la suite $(u_n)$.
Exemple 1. La suite des nombres impairs positifs est une suite arithmétique de raison 2, avec $u_0=1 $. Nous avons $u_0=1 $, $u_1=3 $, $u_2=5 $, etc.
Propriété 1.
Si $(u_n) $ est une suite arithmétique de raison $b$, alors pour tout $n\in\mathbb N $,
$ u_n=u_0+nb$
Démonstration. On fait une récurrence sur la propriété : $\mathcal P_n $ définie pour tout $n$ par $u_n=u_0+nb $
(1) Initialisation : On a $\mathcal P_0$ car $u_0=u_0+0\times b $
(2) Hérédité : Supposons $\mathcal P_n $ pour un certain $n\in\mathbb N $.
Alors $u_{n+1}=u_n+b =u_0+nb+b=u_0+b(n+1)$
On a donc $\mathcal P_{n+1} $.
(3) Conclusion : $\forall n\in\mathbb N, \mathcal P_n $.
La preuve est faite.
Représentation graphique
Suites géométriques
Si $f(x)=ax $, nous avons une suite géométrique.
Autrement dit, une suite géométrique est une suite telle que pour tout entier naturel $n\in\mathbb N$, $u_{n+1}=au_n $
Le réel $a$ est encore appelé la raison de la suite $(u_n)$.
Exemple 2. La suite des puissances de 2 est une suite géométrique de raison 2, avec $u_0=1 $. Nous avons $u_0=1$, $u_1=2 $, $u_2=2^2$, etc.
Propriété 2.
Si $(u_n) $ est une suite géométrique de raison $a$, alors pour tout $n\in\mathbb N $,
$ u_n=a^nu_0$
Démonstration. On fait une récurrence sur la propriété : $\mathcal P_n $ définie pour tout $n$ par $u_n=a^nu_n $
(1) Initialisation : On a $\mathcal P_0$ car $u_0=a^0u_0$ puisque $a^0=1$.
(2) Hérédité : Supposons $\mathcal P_n $ pour un certain $n\in\mathbb N $.
Alors $u_{n+1}=au_n=aa^nu_0$
Alors $u_{n+1}=a^{n+1}u_0$.
On a donc $\mathcal P_{n+1} $.
(3) Conclusion : $\forall n\in\mathbb N, \mathcal P_n $.
La preuve est faite.
Représentation graphique
Suites arithmético-géométriques
Si $f(x)=ax+b $, nous avons une suite arithmético-géométrique.
Autrement dit, une suite arithmético-géométrique est une suite telle que pour tout entier naturel $n\in\mathbb N$, $u_{n+1}=au_n+b $
Exemple 3. La suite définie par $u_0=0 $ et $u_{n+1}=\frac 3 2 u_n+\frac 2 3 $ Nous avons $u_0=0$, $u_1=\frac 2 3 $, $u_2=\frac 5 3$, etc.
Représentation graphique
- Cas 1 : $|a|>1$
Remarque 1.
- Si $a=1$, nous avons une suite arithmétique
- Si $b=0$, nous avons une suite géométrique
- Si $a=1$ et $ b=0$, nous avons une suite constante (on peut montrer que ce sont les seules suites à la fois arithmétiques et géométriques)
- Si $a=0$, nous avons une suite constante à partir du rang 1. Si de plus, $b=u_0$, alors, nous avons comme dans le cas précédent une suite constante.
- Le donnée de $a$ et $b$ suffit à déterminer entièrement une suite arithmético-géométrique ; cependant comme nous le montre les cas (4. et 5.) des suites constantes, pour une suite arithmético-géométrique donnée, il n'y a pas unicité du couple $(a,b)$. (Pour $u_0$ fixé, le couple $(a,b)=(0,u_0)$ donne la même suite que $(a,b)=(1,0)$.) Nous verrons plus tard que dans les autres cas pour une suite arithmético-géométrique, il n'existe qu'un seul couple $(a,b)$ tel que pour tout entier naturel $n$, $u_{n+1}=au_n+b $.
Equations aux différences finies
Une équation linéaire aux différences finies d'ordre $1$ est une équations du type :
\[s_{n+1}=a(n)s_n+\psi(n)\]
où l'inconnue est une suite $(s_n)$.
Si la fonctions $a$ est une constante, alors l'équation devient
\[ s_{n+1}=as_n+\psi(n)\]
Dans le cas où $\psi $ est une fonction constante, on retrouve comme solutions les suites arithmético-géométriques.
Les équations linéaires aux différences finies d'ordre $1$ feront l'objet d'un billet futur.
Etude d'un exemple de suite arithmético-géométrique
Intéressons-nous à la suite $(u_n)$ définie par $u_0=3 $ et telle que pour tout $n\in\mathbb N$, $u_{n+1}=\frac 1 3 u_n +2 $.
Quelques questions.
- Comment varie cette suite ?
- Cette suite possède-t-elle une limite ? Si cette suite converge, que peut-on dire sur sa vitesse de convergence ?
- Cette suite a-t-elle une expression explicite du type $u_n=f (n)$ ?
Variations de $(u_n)$.
On peut étudier la suite définie pour tout $n\in\mathbb N $ par $d_{n}=u_{n+1}-u_n $.
On conjecture sans problème en ayant calculé quelques valeurs de la suite $(d_n) $ que $(d_n)$ est une suite géométrique de raison $\frac 1 3 $.
On peut par exemple utiliser un script Python comme celui-ci :
En l'executant, il semble bien de $(d_n)$ est une suite géométrique de raison $\frac 1 3 $.
Prouvons-le. On a pour tout $n\in\mathbb N$
$$d_{n+1}=u_{n+2}-u_{n+1}=\frac1 3 u_{n+1} + 2- \left(\frac1 3 u_{n} + 2\right)$$
$$d_{n+1}=\frac 1 3 u_{n+1} - \frac 1 3 u_{n}=\frac 13 \left(u_{n+1}-{u_{n}} \right)=\frac 1 3 d_{n} $$
La suite $(d_n)$ est donc géométrique, et d'après la propriété 2, pour tout $n\in\mathbb N$, on a $d_{n}=\left(\frac 1 3\right)^n d_0 $.
Comme $d_0=u_1-u_0=\frac 1 3 u_0+2-u_0=-\frac 2 3 u_0+2 $, on obtient $d_0=-\frac 2 3 \times \frac 1 2+2=\frac 5 3 $.
Donc pour tout $n\in\mathbb N$, $d_n=\left(\frac 1 3\right)^n \times \frac 5 3 $.
Chaque $d_n $ est positif donc la suite $(u_n)$ est croissante.
De plus $(u_n)$ semble majorée. En effet, regardons pour cela la représentation graphique de $(u_n) $.
L'abscisse du point d'intersection de la suite de la droite d'équation $y=x $ et de la droite d'équation $y=\frac 1 3 x+2 $ semble majorer $(u_n)$. En résolvant l'équation $x=\frac 1 3x +2 $, il n'est pas difficile de voir que ce cette abscisse est $3$.
On peut montrer en utilisant le théorème de récurrence que pour tout $n$ entier naturel, $u_n\leq 3$. On en déduit par le théorème de convergence monotone que $(u_n)$ converge. On peut conjecturer graphiquement que la limite de $(u_n)$ est d'ailleurs $3$.
Remarquons au passage que $u_{n+2}-u_{n+1}=\frac 1 3 (u_{n+1}-u_{n})$, ce qui se traduit par le fait que l'écart entre deux termes consécutifs est multiplié par $\frac 1 3 $ à chaque rang.
Recherche d'une forme explicite pour $u_n$.
Notre prochain objectif est de trouver une forme explicite pour la suite $(u_n)$. Ce sera l'objet d'un prochain article de ce blog. Ensuite, nous nous intéresserons au cas général des suites arithmético-géométriques.
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