Cette article fait suite aux articles suivants et reprend leurs notations :
Soit $P$ et $Q$ deux polynômes à coefficients réels, c'est-à-dire des éléments de $\mathbb R[X]$.
On veut diviser $P$ par $Q$, c'est-à-dire trouver un polynôme $B$ et un polynôme $R$ tels que :
- (E1) $P=QF+R$
- (E2) $\deg R< \deg Q$
Commençons par faire quelques observations à partir d'un exemple.
Un exemple
Soit $P=X^3-2X$ et $Q=3X^2+1$.
Supposons qu'il existe $H$ et $R$ vérifiant les conditions (E1) et (E2).
Le polynôme $H$ que l'on cherche doit vérifier : $\deg(P)=\deg(QH+R)=\deg(QH)=\deg(H)+\deg(Q)$ car $\deg(R)<\deg(Q)<\deg(QH)$.
Donc $\deg H = \deg(P)-\deg(Q)=3-2=1$. On a donc $H=h_1X+h_0$.
On utilise la définition de coefficient dominant donnée dans [P2].
Les coefficients dominants de $Q$ et de $X-2$ sont respectivement $\ell(Q)=3$ et $\ell(H)=h_1$.
D'après la propriété 1 et la propriété 2 de l'article [P1], $\ell(P)=\ell(QH+R)=\ell(QH)=\ell(Q)\ell(H)=3h_1$. Comme $\ell(P)=1$, on a nécessairement $h_1=\frac 1 3$.
On a donc $H=\frac 1 3 X +h_0$.
Remarquons que $P-Q\frac 1 3 X = P -QH-Qh_0=R-Qh_0 $ est un polynôme de degré strictement inférieur à $\deg P$. Nous retiendrons cette idée pour le cas général.
Nous avons $P-\frac 1 3 X Q =R-Qh_0 $ soit $X^3-2X-\frac 1 3 X(3X^2+1)=-2X-\frac 1 3X=-\frac 7 3 X=R-Qh_0$.
En regardant les degrés des polynômes dans la dernière égalité, on en déduit que $\deg(R-Qh_0)=1$.
On a nécessairement $h_0=0$ car si $h_0\neq 0 $, on aurait $\deg Qh_0=2$, et comme $\deg R<2$, cela impliquerait $\deg(R-Qh_0)=\deg(Qh_0)=2$.
Ainsi on a $H=\frac 1 3X$ et $R=P-\frac 1 3 X =-\frac 7 3 X$.
Méthode générale
De l'exemple nous avons retenu une idée.
Propriété 1.
Soit $P$ et $Q$ deux polynômes de degrés respectifs $n$ et $m$, avec $m\leq n$.
Alors $P-\frac{\ell(P)}{\ell(Q)}X^{n-m}Q$ est de degré strictement inférieur à $\deg P$.
Preuve. On note $P=a_nX^n+a_{n-1}X^{n-1}+\ldots+a_0$ et $Q=b_mX^m+\ldots+b_0$.
On a $$\frac{\ell(P)}{\ell(Q)}X^{n-m}Q=\frac{a_n}{b_m}X^{n-m}\left(b_mX^m+b_{m-1}X^{m-1}\ldots+b_0\right)=a_nX^n+\frac{a_n}{b_m}X^{n-1}+\ldots+\frac{a_n}{b_m}b_0X^{n-m}$$
d'où
$$P-\frac{\ell(P)}{\ell(Q)}X^{n-m}Q=a_nX^n+a_{n-1}X^{n-1}\ldots+a_0-\left(a_nX^n+\frac{a_n}{b_m}b_{m-1}X^{n-1}+\ldots+\frac{a_n}{b_m}b_0X^{n-m} \right) $$
Il n'est pas nécessaire de faire le calcul explicitement pour voir que le polynôme obtenu n'est plus de degré $n$, il sera au plus de degré $n-1$.
Algorithme
Soit $P$ et $Q$ deux polynômes de degrés respectifs $n$ et $m$, avec $m\leq n$.
a) On pose :
- $P_0=P$
- $n_0=\deg P=n$
- $P_1=P_0-\frac{\ell(P_0)}{\ell(Q)}X^{n_0-m}Q$
- $H_0=\frac{\ell(P_0)}{\ell(Q)}X^{n_0-m}$
- $n_1=\deg P_1<n_0$
b) Pour tout $k\geq 2$ tel que $n_k\geq \deg Q=m$ :
On définit :
- $P_{k+1}=P_k-\frac{\ell(P_k)}{\ell(Q)}X^{n_k-m}Q$
- $H_k=H_{k-1}+\frac{\ell(P_k)}{\ell(Q)}X^{n_k-m}$
- $n_{k+1}=\deg P_{k+1}$
On note $R$ le dernier polynôme $P_r$ calculé (c'est-à-dire le dernier $P_{k+1}$ tel que $n_k=\deg P_k\geq \deg Q$, on a en particulier $n_{r+1}<\deg Q$).
On note $H=H_{r-1}$ (c'est-à-dire le dernier $H_k$ tel que $\deg P_k\geq \deg Q$).
Alors $P=QH+R$ avec $\deg R<\deg Q$.
Preuve de l'algorithme.
Il faut prouver que cet algorithme s'arrête et que les polynômes $H$ et $R$ obtenus vérifient bien (E1) et (E2).
Tout d'abord l'algorithme s'arrête car la suite $(n_k)_k$ est strictement décroissante. Il existe donc un entier naturel $r$ tel que $n_r\geq \deg Q$ et $n_{r+1}<\deg Q$.
On a $\deg R< Q$ car l'inégalité $n_k\geq \deg Q $ est fausse à partir de $k=r+1$.
Reste à montrer que $P-R=QH$.
Faisons une démonstration par récurrence.
On a
- $P_1=P_0-H_0Q$ d'où $$H_0Q=P_0-P_1 $$
- $P_2=P_1-(H_1-H_0)Q$ d'où
$$H_1Q=P_1-P_2+H_0Q=P_0-H_0Q-P_2+H_0Q=P_0-P_2$$
Et plus généralement pour tout $k\geq 2$ tel que $n_k\geq \deg Q=m$ : $P_{k+1}=P_k-(H_k-H_{k-1})Q$ d'où
$$(\sharp) \ \ \ \ H_kQ=P_k-P_{k+1}+H_{k-1}Q$$
Si pour un certain $k\geq 2$ tel que $n_k\geq \deg Q$, on a $H_{k-1}Q=P_0-P_{k}$, alors d'après $(\sharp)$, on a
$$H_kQ=P_k-P_{k+1}+H_{k-1}Q=P_k-P_{k+1}+P_0-P_k=P_0-P_{k+1}$$
On a donc montré par récurrence que pour tout $k\geq 2$ tel que $n_k\geq \deg Q$ : $H_kQ=P_0-P_{k+1}$.
En particulier pour $k=r-1$, on obtient $H_{r-1}Q=P_0-P_{r}$, soit $HQ=P-R$.
On a donc prouvé l'existence de $Q$ et de $H$ tels que (E1) et (E2).
Énonçons maintenant le théorème de la division euclidienne dans $\mathbb R[X]$.
Théorème.
Soient $P$ et $Q$ deux polynômes à coefficients réels. Alors il existe un unique couple $(H,R)$ de polynômes à coefficients dans $\mathbb R$ tels que $P=QH+R$ et avec $\deg R<\deg Q$.
Preuve.
L'algorithme précédent permet d'établir que si $\deg Q\leq\deg P$, alors un couple $(H,R)$ existe.
Si $\deg Q > \deg P$, alors $P=0\times Q + P$, le couple $(0,P)$ convient.
Il reste maintenant à montrer l'unicité du couple $(H,R)$.
Supposons qu'il existe un autre couple $(L,S)$ vérifiant : $P=LQ+S$, avec $\deg S<\deg Q$.
Dans ce cas, on a $HQ+R=LQ+S$ d'où $(H-L)Q=S-R$.
Si $H-L\neq 0$, alors, on aboutit à une contradiction car alors
$$\deg Q \leq \deg(H-L)+\deg Q=\deg(S-R)\leq \max(\deg S, \deg R) < \deg Q$$
Donc $H=L$, puis nécessairement $S=R$.
Le théorème est donc démontré.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire