Ce billet fait suite à Suites arithmético-géométriques (1).
Nous nous étions intéressés à la suite $(u_n)$ définie par $u_0=3 $ et telle que pour tout $n\in\mathbb N$, $u_{n+1}=f(u_n)=\frac 1 3 u_n +2 $, où $ f$ est la fonction affine définie par $f(x)=\frac 1 3 x+2 $ :
Nous avions définie une suite $(d_n) $ définie pour tout $n\in\mathbb N $ par $d_{n}=u_{n+1}-u_n $, et nous avions montré que $(d_n)$ était géométrique de raison $\frac 1 3 $.
Par ailleurs, nous avions montré que $(u_n)$ était convergente car elle était strictement croissante et majorée par 3.
Nous allons montrer que $\lim_n u_n=3 $ et chercher une expression sous la forme $g(n) $ pour $u_n $.
Convergence de $(u_n)$
Nous allons utiliser une propriété de point fixe.
Une propriété de point fixe
Propriété 1.
Si $f$ est une fonction continue sur un intervalle $[a,b]\subset \mathbb R$, et si pour tout $x\in[a,b] $, $f(x)\in[a,b] $, alors la suite définie par $u_0=r $ (avec $r\in[a,b])$ et telle que pour tout $n\in\mathbb N $, $u_{n+1}=f(u_n) $ ne peut converger que vers un point fixe de $f$ sur $[a,b]$.
Autrement dit, si $(u_n)$ converge vers une limite $s$, alors $s$ est solution de l'équation $f(x)=x$.
Démonstration. Cliquer ici.
La limite de notre suite
On applique la propriété ci-dessus avec $f$ définie sur $[0;3] $ par $f(x)=\frac 1 3x+2 $.
C'est une fonction continue, et comme elle est croissante, si $x\in [0;3]$, alors $f(x)\in [f(0);f(3)]=[2;3]$ donc $f(x)\in [0;3] $. La suite $(u_n)$ vérifie les conditions de la propriété 1 et comme elle converge, sa limite est l'unique solution de $\frac 1 3x+2=x $ qui est 3.
Donc $\lim_n u_n = 3 $.
Nous allons maintenant trouver le terme général de $u_n$ de deux façon différentes :
- En utilisant un téléscopage de la suite $(d_n)=(u_{n+1}-u_n)$
- En utilisant une suite auxiliaire mesurant la différence entre $u_n$ et le point fixe de $f$ où $f(x)=\frac 1 3x+2 $.
Méthode 1 : télescopage
Démontrons tout d'abord que pour $n\geq 1$,
$\sum_{i=0}^{n-1}d_i=d_0+d_1+\ldots+d_{n-1} =u_n-u_0 $.
Cette égalité se démontre simplement grace au théorème de récurrence.
Définissons la suite de propriétés $(\mathcal P_n) $ avec pour tout $n\geq 1$ :
$\mathcal P_n$ : $\sum_{i=0}^{n-1} d_i = u_n-u_0$
- Initialisation. $\mathcal P_1$ car $d_0=u_1-u_0 $
- Hérédité. Supposons $\mathcal P_k $ que pour un certain $k\geq 1$.
Alors
$\sum_{i=0}^{k-1} d_i = d_0+d_1+\ldots + d_{k-1}=u_k-u_0$
En ajoutant $d_k $ des deux côtés de l'égalité, on obtient
$\sum_{i=0}^{k-1} d_i +d_k= d_0+d_1+\ldots + d_{k-1}+d_k=u_k-u_0+d_k$
ou encore
$\sum_{i=0}^{n} d_i= u_k-u_0+u_{k+1}-u_k$
qui donne
$\sum_{i=0}^{n} d_i= u_{k+1}-u_0$, c'est $\mathcal P_{k+1} $.
Donc $\forall k\geq 1 $, $\mathcal P_k $ implique $\mathcal P_{k+1} $.
- Conclusion. pour tout $n\geq 1$ :
$\mathcal P_n$ : $\sum_{i=0}^{n-1} d_i = u_n-u_0$
Il peut être utile de noter une propriété générale que nous venons de démontrer presque entièrement :
Propriété 2.
Soit $(u_n)$ une suite vérifiant pour tout $n\in\mathbb N $, $u_{n+1}=au_n+b $, où $a$ et $b$ sont des nombres réels.
Soit $ (d_n)$ la suite définie pour tout $n\in\mathbb N$ par $d_n=u_{n+1}-u_n $.
Alors $ (d_n)$ est une suite géométrique de raison $a$ et pour tout $n\geq 1$,
$\sum_{i=0}^{n-1}d_i=d_0+d_1+\ldots+d_{n-1} =u_n-u_0 $
Démonstration. Il reste à démontrer que $(d_n)$ est en général géométrique de raison $a$. Reprenant la même démonstration que dans le billet [Suites artihmético-géométriques (1)], et en remplaçant $\frac 1 2$ par $a$ et 3 par $b$ :
$d_{n+1}=u_{n+2}-u_{n+1}=a u_{n+1} + b- \left(a u_{n} + b\right)$, on obtient
$d_{n+1}=a(u_{n+1}-u_n)=ad_n $
La preuve est faite.
$$\sum_{i=0}^{n-1} d_i=d_0\frac{1-\left(\frac{1}{3}\right)^{n}}{1-\frac 1 3}=\frac 5 3\times \frac{1-\frac{1}{3^n}}{\frac 2 3}=\frac 5 3 \times \frac 3 2\times \left(1-\frac 1 {3^n} \right)=\frac 5 2\left(1-\frac 1 {3^n} \right) $$
$$\sum_{i=0}^{n-1} d_i=\frac 5 2-\frac{5}{2\times 3^n} $$
Donc
$$u_n=u_0+\frac 5 2-\frac{5}{2\times 3^n}=\frac 1 2+\frac 5 2-\frac{5}{2\times 3^n}=3-\frac{5}{2\times 3^n} $$
On remarque que cette formule est vraie aussi lorsque $n=0$.
Nous allons retrouver ce même résultat d'une autre manière.
Méthode 2 : suite $(w_n)=(s-u_n)$ où $s$ est le point fixe de $f$
Commençons par définir la suite $w_n=3-u_n $, où $3$ est le point fixe de $f$ (et aussi la limite de $(u_n) $).
On peut observer en calculant quelques termes (en utilisant un script Python comme celui-ci par exemple) de $(w_n) $ que cette suite semble géométrique de raison $\frac 1 3 $.
On peut montrer sans problème que la suite $(w_n)$ est géométrique.
Soit $n\in\mathbb N $. On a
$$w_{n+1}=3-u_{n+1}=3-\frac 1 3 u_n -2=1-\frac 1 3u_n=\frac 1 3\left(3-u_n \right)=\frac 1 3 w_n $$
On en déduit que $w_n=\frac{1}{3^n} w_0=\frac{1}{3^n}(3-\frac 1 2)=\frac{1}{3^n}\times \frac 5 2=\frac 5 {2\times 3^n}$. Puis finalement,
$$u_n=3-w_n=3-\frac 5 {2\times 3^n} $$
Il apparaît clairement que cette méthode est plus rapide et plus simple que la précédente. C'est sans doute la raison pour laquelle, elle est devenue récurrente dans les sujets de Bac.
Et après ?
Après avoir étudié cet exemple, on peut se demander, comment en étudiant le cas général des suites arithmético-géométriques, on peut créer des exercices type utiles pour les élèves comme pour les profs. Aussi, même si la deuxième méthode est plus rapide, nous verrons dans un prochain billet que la première a aussi de l'intérêt pour les élèves.
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