Cet article fait suite à
- \mathbb Q (0). Relation d'équivalence sur un ensemble. L'ensemble \mathbb Q
- \mathbb Q (1). Structure de corps de \mathbb Q . Ordre sur \mathbb Q
- \mathbb Q (2). Fractions irréductibles. Aucun rationnel n'a 2 pour carré.
Dans cet article, nous définissons les suites de nombres rationnels, la notion de convergence pour les suites, ainsi les suites de Cauchy de nombres rationnels. Pour cela, nous aurons besoin de la valeur absolue des nombres rationnels.
Le lecteur habitué aux suites de nombres réels retrouvera des définitions et des démonstrations similaires. j'ai cependant souhaité tout refaire ici, car notre but étant de construire les nombres réels, on ne peut pas utiliser ces définitions ou ces démonstrations.
Valeur absolue de nombres rationnels
Suites de rationnels
Une suite de rationnels u est une fonction \mathbb N \longrightarrow \mathbb Q.
Pour n\in \mathbb N, on note généralement u_n=u(n) l'image de n par u, appelée le terme d'indice n de la suite u.
On dit qu'une suite u est croissante (respectivement strictement croissante) si pour tout entier naturel n, u_n\leq u_{n+1} (respectivement u_n<u_{n+1}).
On dit qu'une suite u est décroissante (respectivement strictement décroissante) si pour tout entier naturel n u_n\geq u_{n+1} (respectivement u_n> u_{n+1}).
Propriété 2.
a) Si u est une suite décroissante (respectivement strictement décroissante), alors n<m implique u_n\geq u_m (respectivement u_n>u_m).
b) Si u est une suite croissante (respectivement strictement croissante), alors n<m implique u_n\leq u_m (respectivement u_n<u_m).
Démonstration.
a) Supposons u décroissante.
Supposons n<m. Alors m=n+r pour un certain entier naturel r.
On a u_n\geq u_{n+1} car u est décroissante.
Supposons que pour un certain entier naturel k, on a
u_n\geq u_{n+k}. Comme u_{n+k}\geq u_{n+k+1}, on a par transitivité de \geq , u_n\geq u_{n+k+1}.
On a donc montré par récurrence que pour tout k, u_n\geq u_{n+k}.
Pour k=r, on a u_n\geq u_m.
Dans cette démonstration, on peut supposer que u est strictement décroissante, et remplacer chaque symbole \geq par >.
b) La démonstration est analogue.
Dire que la suite u converge vers un certain rationnel x, c'est dire que pour tout rationnel \varepsilon>0, il existe un entier N=N_\varepsilon tel que pour tout n\geq N,
|u_n-x|\leq \varepsilon.
Exemple.
La suite u définie par u_0=0 et u_n=\frac 1 n si n est entier naturel non nul converge vers 0.
Preuve.
Soit \varepsilon=\frac \alpha \beta, avec \alpha et \beta entiers strictement positifs.
On a \frac 1 n\leq \frac \alpha \beta \Longleftrightarrow \beta n\alpha \Longleftrightarrow n\geq \frac \beta \alpha.
Soit N=\beta+1. Comme \beta \geq \frac \beta \alpha, pour tout n\geq N, u_n\leq\varepsilon.
On en déduit que u converge vers 0.
Propriété 3.
Si une suite de rationnels u converge vers x et vers y, alors x=y.
Preuve.
Par l'absurde. Supposons que x\neq y. Sans perte de généralité, on peut supposer x<y.
On note \varepsilon=\frac{1}4 (y-x).
D'après la définition de la convergence de u vers x, il existe un entier naturel N tel si n\geq N, |u_n-x|<\varepsilon.
D'après la définition de la convergence de u vers y, il existe un entier naturel M tel si n\geq M, |u_n-y|<\varepsilon.
On a d'après l'inégalité triangulaire, pour tout entier naturel n,
y-x= |x-y|=|x-u_n+u_n-y|\leq |x-u_n|+|u_n-y|
Soit P=\max(N,M). Et soit n\geq P, l'inégalité précédente implique
y-x=\leq 2\varepsilon=\frac{1}2(y-x)
On a donc une contradiction car la dernière inégalité implique 1\leq \frac 1 2.
Lorsqu'une suite u de rationnels converge vers un réel x, on dit que x est la limite de u et on notera x=\lim u.
Sous-suites d'une suite
a) Si u est décroissante (respectivement strictement décroissante), alors v est décroissante (respectivement strictement décroissante).b) Si u est croissante (respectivement strictement croissante), alors v est croissante (respectivement strictement croissante).
a) On suppose que u est décroissante.Soit n un entier naturel. Notons \varphi une extractrice telle que v=u\circ \varphi. On applique la propriété 2 ci-avant : n<n+1\Rightarrow \varphi(n)<\varphi(n+1) \Rightarrow v_n=u_{\varphi(n)}\geq u_{\varphi(n+1)}=v_{n+1}Pour le cas où u est strictement décroissante, il suffit de remplacer les inégalité larges par des inégalités strictes.b) Démonstration analogue.
Suites de Cauchy de rationnels
On dit qu'une suite rationnelle u est une suite de Cauchy si pour tout \varepsilon>0, il existe un entier naturel N tel que pour tous entiers p,m\geq N, |u_p-u_m|\leq \varepsilon.
Propriété 5.
Toute suite rationnelle convergente est une suite de Cauchy.
Preuve.
Soit u une suite convergente.
Soit \varepsilon>0. On note t la limite de u.
Ainsi par définition de t, il existe N>0 tel que pour tout n\geq N, |u_n-t|\leq\frac 1 2 \varepsilon.
Pour tous entiers p,m\geq N, on a donc d'après l'inégalité triangulaire :
|u_p-u_m|\leq |u_p-t|+|t-u_m|\leq \frac 1 2 \varepsilon+ \frac 1 2 \varepsilon=\varepsilon
Nous verrons plus tard que dans \mathbb Q, la réciproque de cette propriété est fausse.
Propriété 6.
Toute suite de rationnels décroissante minorée (dont tous les termes sont supérieures à un même nombre) est de Cauchy.
Démonstration.
Soit (u_n) une suite de rationnels décroissante minorée par un rationnel m.
On suppose donc que pour tout n\in\mathbb N, u_n\geq \alpha.
On raisonne par l'absurde. Supposons que (u_n) n'est pas de Cauchy. On va contredire la définition de suite de Cauchy donnée plus haut :
Il existe un rationnel \varepsilon>0 tel que pour tout entier naturel N, il existe m=m_N, n=n_N, avec N\leq n_N<m_N vérifiant |u_m - u_n| > \varepsilon. Comme m>n, et que la suite est décroissante on peut même écrire u_n-u_m>\varepsilon
En prenant successivement N=1,2,3,...., on construit une suite d'indices.
Pour N=0, on a 0=N\leq n_0<m_0 tels que
(0) \ \ \ \ u_{n_0} - u_{m_0} > \varepsilon
On pose \varphi(0)=n_0 et \varphi(1)=m_0.
On a u_{\varphi(0)}-u_{\varphi(1)}> \varepsilon
Pour N=m_0, il existe m_0=N\leq n_1<m_1 tels que
(2) \ \ \ \ u_{n_1} - u_{m_1} > \varepsilon
On a donc puisque u_{n_1}<u_{m_0} (par décroissance de la suite),
u_{m_0}-u_{m_1}=u_{m_0} - u_{n_1}+u_{n_1} - u_{m_1}\geq u_{n_1} - u_{m_1} >\varepsilon
On pose \varphi(2)=m_1, et on a
On a u_{\varphi(1)}-u_{\varphi(2)}> \varepsilon
Et plus généralement, pour tout entier naturel k, pour N=k, on a N\leq n_k<m_k tels que
(k) \ \ \ \ u_{m_k} - u_{n_k}> \varepsilon
On pose \varphi(k)=m_{k-1}.
Supposons que pour un certain entier naturel k,
u_{\varphi(k)}-u_{\varphi(k+1)}> \varepsilon
On a par définition \varphi(k+2)=m_{k+1} avec
(k+1) \ \ \ \ u_{m_{k+1}} - u_{n_{k+1}} > \varepsilon
On a par construction
u_{\varphi(k+1)}-u_{\varphi(k+2)}=u_{m_{k}}-u_{m_{k+1}}=u_{m_k} - u_{n_{k+1}}+u_{n_{k+1}} - u_{m_{k+1}}\geq u_{n_{k+1}} - u_{m_{k+1}} >\varepsilon
Ainsi par construction de \varphi, on a pour tout n\in \mathbb N,
(\star) \ \ \ \ \ u_{\varphi(n)}-u_{\varphi(n+1)}>\varepsilon
Définissons deux suites v et w par
v_n=u_{\varphi(n)} (pour tout n\in\mathbb N)
w_n=v_0-v_n (pour tout n\in\mathbb N)
Tout d'abord la suite v est décroissante car c'est une suite extraite de u et que u est décroissante (propriété 4??).
En fait, par construction, on a v_n-v_{n+1}\geq \varepsilon.
Pour tout n, v_n=u_{\varphi(n)}\geq \alpha.
Ainsi pour tout entier n, on a v_0-v_n\leq v_0-m. M=v_0-\alpha est donc un majorant (un nombre supérieur ou égal à tous les termes) de w.
On montre par récurrence que w_n>n\varepsilon.
Pour n\geq 0. Pour n=0, w_0=v_0-v_0=0, il n'y a rien à faire.
Supposons que pour un certain entier naturel k, w_k\geq k\varepsilon. On a w_{k+1}=v_0-v_{k+1}=w_0-v_k+v_k-v_{k+1}\geq k\varepsilon +\varepsilon\geq (k+1)\varepsilon
La récurrence est prouvée, donc pour tout entier naturel n, on a w_n>n\varepsilon.
Or pour n\geq 2\times M\times \frac 1\varepsilon (l'existence d'un tel n est assurée par le fait que \mathbb Q est archimédien), on a n\varepsilon>2\alpha d'où w_n>M contredisant le fait que w est majorée par M.
La propriété est démontrée.
Et ensuite
Dans l'article suivant, nous parlerons de continuité dans \mathbb Q . Comme ici, la continuité (usuelle) réelle n'existe pas encore car \mathbb R n'est pas encore construit.
Nous verrons qu'il existe des suites de Cauchy qui ne converge pas dans \mathbb Q. C'est cette lacune de \mathbb Q qu'il faudra combler pour obtenir les nombres rééls.
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