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mercredi 13 mars 2024

$\mathbb Q $ (1). Structure de corps de $\mathbb Q $. Ordre sur $\mathbb Q$

 Cet article fait suite à : Construction de $\mathbb Q$.


Dans cet article, nous montrons que $\mathbb Q$ est un anneau commutatif dont chaque élément non-nul possède un inverse pour la multiplication. Autrement dit, $\mathbb Q$ est un corps. Ces notions seront expliquées au cours de ce billet.


On rappelle que $\mathbb Z$ s'identifie à un sous-ensemble de $\mathbb Q$ via $a\longleftrightarrow \frac a 1$. Autrement dit tout entier relatif $a$ peut être considéré comme un nombre rationnel $\frac a 1$ que l'on notera $a$.


Ainsi on notera sans risque de confusion : $0=\frac 0 1$ et $1=\frac 1 1$.


Pour commencer remarquons que l'addition définie sur $\mathbb Q$ est commutative. En effet comme l'addition et la multiplication de $\mathbb Z$ sont commutatives, on a 

$$ \frac{a}{b}+ \frac p q=\frac{aq+pb}{pq}=\frac{pb+aq}{qp}=\frac p q + \frac{a}{b}$$


De même le lecteur vérifiera sans difficulté que le produit défini sur $\mathbb Q$ est commutatif.


Strucure d'anneau de $\mathbb Q$

Propriété 1. 

Si $b$ est un entier relatif non nul, alors $\frac 0 b= \frac 0 1=0$.

De plus pour tout $x\in \mathbb Q$, $x+0=x=0+x$.


Preuve.

On a $0\times 1=0=b\times 0$ donc $\frac 0 b= \frac 0 1$.


Ensuite si $x=\frac a b$, alors $x+0=\frac a b+\frac 0 1= \frac{b\times 1+a\times0}{b\times 1}=\frac{a}{b}=x$.


Par commutativité de l'addition, $0+x=x$.


$0$ est donc un élément neutre de l'addition des rationnels. Il n'y en a pas d'autres : si $e$ est aussi un élément neutre alors, on a $e=e+0=0+e=0$.



Propriété 2. 

$(\mathbb Q,+)$ est un groupe commutatif.


Preuve. 

De ce qui précède, il reste à montré que chaque élément de $\mathbb Q$ possède un opposé (un inverse pour l'addition) et que l'addition est associative.

(1) Soit $x=\frac a b\mathbb Q$. Notons $y=\frac{-a}{b}$. 

On a $x+y=\frac{ab-ab}{b^2}=0$. Ainsi $y$ est un opposé de $x$.

(2) Soient $x=\frac a b$, $y=\frac m n$, et $z=\frac{s}{t}$ trois nombres rationnels.

On a d'après les propriétés d'anneaux de $\mathbb Z$ (voir article De $\mathbb N  $ à $\mathbb Z $

$$(x+y)+z=\frac{an+mb}{bn}+\frac{s}{t}=\frac{(an+mb)t+s(bn)}{(bn)t}$$
Donc 
$$(x+y)+z=\frac{a(nt)+b(mt+sn)}{b(nt)}=x+(y+z)$$

Ainsi $+$ est associative sur $\mathbb Q$.

$(Q,+)$ est donc ce que l'on appelle un groupe commutatif (ou abélien) . 


Remarques. 

  • (a) Par commutativité de $+$, dans un groupe commutative, un inverse à droite et un inverse à gauche sont la même notion : $x+y=0\Longleftrightarrow y+x=0$.
  • (b) Dans un groupe, chaque élément ne possède qu'un unique inverse pour l'addition. 
    En effet, supposons que $x$ a pour inverses  $y$ et $z$. Alors, $z+(x+y)=(z+x)+y$, c'est-à-dire $z+0=0+y$, ce qui se traduit pas $z=y$.


Propriété 3. 

On a pour tout entier relatif $k$ non-nul, et pour tout rationnel $\frac a b$,

$$\frac{ka}{kb}=\frac{a}{b}$$


Preuve. 

$(ka)b=(kb)a$


Propriété 4. 

$(\mathbb Q,+,\times)$ est un anneau commutatif unitaire.


Preuve.  

On sait déjà que $(\mathbb Q,+)$ est un groupe commutatif et que le produit sur $\mathbb Q$ est commutatif.

(1) Tout d'abord, le nombre $1=\frac 1 1$ est un élément neutre pour le produit.  

Remarquons pour des raisons similaires au fait que $0$ est l'unique élément neutre pour $+$, qu'il n'y a qu'un seul élément neutre pour $\times$. En effet si $e,e'$ sont neutres pour $\times$, on a $e'=ee'=e$.

Vérifions la neutralité de $1$. Soit $\frac a b\in \mathbb Q$. On a

$$ \frac 1 1\frac{a}{b}=\frac{1\times a}{1\times b}=\frac a b$$.

C'était évident car $1$ est neutre dans $\mathbb Z$.


(2) La multiplication est associative dans $\mathbb Q$ grâce à l'associativité de la multiplication dans $\mathbb Z$


$$\left( \frac a b \times \frac m n\times\right)\times \frac s t =\frac{am}{bn}\times\frac{s}{t}=\frac{(am)s}{(bn)t}=\frac{a(ms)}{b(nt)}=\frac{a}{b}\times\left(\frac{m}{n}\times \frac{s}{t}\right)$$


(3) La multiplication est distributive par rapport à l'addition. En effet, si $\frac a b,\frac m n, \frac s t$ sont des rationnels, on a 

$$\frac a b\times \left(\frac m n + \frac s t\right)=\frac a b\times \frac{mt+ns}{nt}=\frac{amt+ans}{bnt}$$


D'un autre côté, on a 

$$\frac a b\times \frac m n +\frac a b\times \frac s t= \frac{am} {bn} +\frac{as} {bt}=\frac{ambt+asbn}{b^2nt}=\frac{amt+asn} {bsn}$$


On a donc bien $\frac a b\times \left(\frac m n + \frac s t\right)=\frac{amt+asn} {bsn}$.

$(\mathbb Q,+,\times)$ est donc ce que l'on appelle un anneau.


L'opposé d'un élément $x$ est noté $-x$. 


On a $-(-x)=x$ car $x+(-x)=0$ comme dans tout groupe.


Soustraire un nombre $y$ à un nombre $x$, c'est ajouter l'opposé de $y$

à $x$. On note $$x-y=x+(-y)$$


Propriété 6.

Si $x,y$ sont deux rationnels, alors $-(x+y)=-x+(-y)=-x-y$.


Preuve.

On a $$(x+y)+(-x+(-y))=x+(y+(-x+(-y))=x+(y+(-y+(-x))$$

Or $$y+(-y+(-x)=(y+(-y))+(-x)=-x$$ d'où

$$(x+y)+(-x+(-y))=x+(-x)=0$$



Notations. 

(1) Comme dans $\mathbb Z$, on omet souvent le symbole $\times$ pour les produits, écrivant $xy$ plutôt que $x\times y$.

(2) Puisque l'addition et la multiplication y sont associatives, on note pour $x,y,z$ dans $\mathbb Q$, $x+y+z$ pour désigner indifféremment $(x+y)+z$ ou $x+(y+z)$; respectivement on note $xyz$ pour désigner indistinctement $(xy)z$ ou $x(yz)$.


Quotient et fraction


Propriété 7. 

Si $k$ est un entier relatif, et si $\frac a b$ est un rationnel, on a $k\times\frac a b=\frac{ka}{b}$.


Preuve.

On a $\frac k1\times\frac{a}{b}\frac{ak}{b}$.

 


Propriété 8. 

Tout rationnel non-nul $\frac a b $ admet pour unique inverse $\frac b a$.

$0$ n'admet pas d'inverse.


Preuve. 

  • On a $$\frac{a}{b}\times\frac{b}{a}=\frac{ab}{ab}=1$$

  • Si $x$ admet pour inverses multiplicatifs $y$ et $y'$, alors $y'=y'(xy)=(y'x)y=y$ d'où l'on conclut à l'unicité de l'inverse.

  • Supposons que $\frac{a}{b}\times \frac{0}{1}=\frac{1}{1}$.

Alors $\frac 0{b}=\frac{1}{1}$ d'où $1b=0\times 1$ dans $\mathbb Z$ ce qui est faux.


$\mathbb Q$ est donc ce que l'on appelle un corps (commutatif), c'est-à-dire un anneau (commutatif) dont les éléments non-nuls sont inversibles pour la multiplication.


Si $a$ et $b$ sont des entiers relatifs, le quotient rationnel de $a$ par $b$ est le rationnel $\frac a b$.


Ainsi dans le cas où $b$ divise $a$ (voir article sur la division euclidienne dans $\mathbb Z$), il existe un entier relatif $k$ tel que $a=kb$. On a bien dans ce cas $\frac a b =\frac{kb}{b}=\frac{k}{1}=k$.

Si $s$ est un nombre rationnel, on peut noter $s^{-1}$ son inverse (pour la multiplication).

Quotients de fractions


Soit $r=\frac{a}{b}$ et $s=\frac c d$ deux rationnels.


Alors on définit $$\frac{r}{s}=r\times s^{-1}$$

où $s^{-1}$ est l'inverse de $s$ pour $\times$ 


Ainsi $$\frac{r}{s}=r\times s^{-1}=\frac{a}{b}\times  \frac  d c$$


On a donc $$ \frac{\frac{r}{s}}{\frac c d}=\frac{a}{b}\times  \frac{d}{c}$$


En particulier $$\frac{1}{\frac{a}{b}}=\frac{b}{a}$$


Ordre sur $\mathbb Q$


Propriété 9.

  • Si $\frac a b = \frac m n\neq 0$, alors : 

$a$ et $b$ ont le même signe dans $\mathbb Z$ si et seulement si $m$ et $n$ sont de même signe dans $\mathbb Z$

  • Si $\frac{a}{b}=0$, alors $a=0$ et $b$ est de n'importe quel signe.



Preuve. 

L'égalité des fractions donne $an=mb$.

D'après la règle des signes pour les produits dans $\mathbb Z$ :

si $a$ et $b$ ont le même signe, comme $an$ et $mb$ ont le même signe, on a nécessairement $m$ et $n$ de même signe. Dans le cas contraire, $n$ et $m$ doivent aussi être de signes opposés car sinon $an$ et $mb$ n'auraient pas le même signe. 


Le fait que le numérateur et le dénominateur aient ou n'aient pas le même signe ne dépend pas du représentant $\frac a b $ choisi.


$\frac{a}{b}=\frac 0 1$ implique $1a=0b$ d'où $a=0$.


On dit que $\frac a b$ est positif si $a$ et $b$ sont de même signe dans $\mathbb Z$, s'ils sont de signes opposés, on dit que $\frac a b$ est négatif.

Si $\frac a b$ est positif non nul, on dit que $\frac a b$ est strictement positif.

Si $\frac a b$ est négatif non nul, on dit que $\frac a b$ est strictement négatif.


On note $\mathbb Q_+$ et $\mathbb Q_-$ l'ensemble des rationnels respectivement positifs et l'ensemble des rationnels négatifs.


Un nombre rationnel est donc dans l'un des deux sous-ensembles $\mathbb Q_-$ ou $\mathbb Q_+$. 


Remarques.

(1) Le seul nombre entier relatif positif et négatif est $0$. 

(2) D'après la propriété 7, si $x$ est positif, alors $-x=(-1)\times x$ est négatif, et si $x$ est négatif, alors $-x$ est positif. En effet multiplier par $-1$ change uniquement le signe du numérateur (ou bien du dénominateur...).



On notera $x\leq y$ si $x-y\in\mathbb Q_-$ ou de manière équivalente si $y-x\in\mathbb Q_+$. 

On dira alors que $x$ est inférieur (ou égal) à $y$. On ne mentionne pas nécessairement "ou égal". 

Si $x\leq y$ avec $x\neq y$, c'est-à-dire $x-y\neq 0$, alors on dira que $x$ est strictement inférieur à $y$ et on notera $x<y$.


On note $y\geq x$ si $x\leq y$ et on dit dans ce cas que $y$ est supérieur (ou égal) à $x$. 


On note $y> x$ si $x< y$ et on dit dans ce cas que $y$ est strictement  supérieur à $x$.


Propriété 10. 

Si $x,y\in \mathbb Q_+$, alors $x+y\in \mathbb Q_+$.


Preuve. 

Quitte à multiplier le numérateur et le dénominateur de $x$ par $-1$, on peut écrire $x=\frac ab$ avec $a,b$ positifs. De même on peut écrire $y=\frac m n$, avec $m,n$ positifs.

Ainsi $x+y=\frac{an+mb}{bn}$ a un numérateur $an+mb$

 positif et un dénominateur positif (d'après la définition du produit dans $\mathbb Z$).


$\leq$ est une relation d'ordre totale sur $\mathbb Q$


Propriété 11.

La relation $\leq $ possède les qualités suivantes :

(1) Réflexivité : pour tout rationnel $x$, on a $x\leq x$.

(2) Transitivité : si $x\leq y$ et $y\leq z$, alors $x\leq z$

(3) Antisymétrie : si $x\leq y$ et $y\leq x$, alors $x=y$

(4) Totalité : pour tout couple de rationnels $(x,y)$, on a $x\leq y$ ou $y\leq x$.


Preuve.

(1) $x-x=0$ est positif.

(2) $x-z=(x-y)+(y-z)$ en utilisant les propriétés d'associativité de l'addition. Comme $x-y$ et $y-z$ sont positifs, la propriété 10 nous permet de conclure.

(3) Si $y-x$ est positif, son opposé $-(y-x)=x-y$ est positif. Le seul nombre rationnel à la fois positif et négatif étant $0$, on en déduit que $y-x=0$ puis que $y=x$.

(4) $x-y$ est un élément de $\mathbb Q_-$ ou de $\mathbb Q_+$.


Propriété 12. 

Dans $\mathbb Q$, on a : 

(1) $x\leq y \Longrightarrow x+z \leq y+z$

(2.a) si $t\geq 0$, alors  $x\leq y \Longrightarrow tx \leq ty$

(2.b) si $t\leq 0$, alors  $x\leq y \Longrightarrow tx \geq ty$


Preuve.

(1) En utilisant l'associativité et la commutativité de l'addition, on a $y+z-(x+z)=y-x\geq 0$ d'où $x+z\leq y+z$.

(2.a) On note $t=\frac u v$, $x=\frac a b$ et $y=\frac m n$. Supposons $x\leq y$, c'est-à-dire $\frac{an-bm}{bn}\geq 0$. On a $tx-ty=\frac{u(an-bm)}{v(bn)}$. Comme $u$ et $v$ sont de même signe, le signe de cette dernière fraction est le même que celui de $\frac{an-bm}{bn}$, c'est-à-dire positif.

(2.b) Avec des notations identiques, ici comme $u$ et $v$ sont de signes opposés, le signe de $\frac{an-bm}{bn}$ devient négatif.


Propriété 13. ($\mathbb Q$ est archimédien)

Pour tous rationnels $x,y$ tels que $0<x<y$, il existe $k\in \mathbb Z$ tel que $kx>y$.


Démonstration.

On note $x=\frac a b$, et $y=\frac m n$ avec $a,b,m,n$ entiers relatifs non nuls. Quitte à multiplier ces entiers par $(-1)$, on peut supposer qu'ils sont tous strictement positifs.

On a $x=\frac{an}{bn}$ et $y=\frac{bm}{bn}$. Soit $k$ un entiers strictement positif. 

On a $kx>y$ si $\frac{kan-bm}{bn}>0$. Comme $bn>0$, il suffit pour cela que $kan>bm$. 

Notons $q$ le quotient de la division euclidienne de $bm$ par $an$, et $r$ son reste. On a $bm=qan+r$ avec $0\leq r<an$. 

Prenons maintenant $k=q+1$. Alors $kan=(q+1)an=qan+an>qan+r=bm$.

On dit que $(\mathbb Q,+,\times,\leq)$$ est un corps archimédien.


Propriété 14. 

Pour tous $x$ et $y$ dans $\mathbb Q$, tels que $x<y$, il existe $z\in Q$ tel que $x<z<y$.


Preuve. 

Tout d'abord $x<y$ implique $\frac 1 2 x < \frac 1 2 y$ car $\frac 1 2>0$.

Prenons $z=\frac 1 2 (x+y)=\frac 1 2 x + \frac 1 2y$. 

On a 

$$x=\frac{x}{2}+\frac x 2<\frac{x}{2}+\frac y 2<\frac y 2 + \frac y 2 =y$$


Et ensuite

Dans les articles suivants j'aimerais, à partir de $\mathbb Q$ construire l'ensemble $\mathbb R$ des nombres réels. 


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